De nombreuses marques de cognac investissent l’art contemporain en mécénat, marketing ou tout simplement pour le plaisir. Installations, street art, design, architecture … quand art et Cognac s’hybrident.
Un exemplaire unique d’un calendrier de l’Avent fait de chêne et dont les chocolats sont remplacés par des flacons d’eau-de-vie ; une installation géante peinte à la chaux remplissant l’espace d’une fondation ; une figure américaine du street art laissant libre court à son imagination sur des carafes… Nous ne sommes pas à Brooklyn mais à Cognac où les grandes maisons se penchent avec une attention toute particulière sur la création contemporaine. « Ce qui est intéressant, c’est de confronter avec l’air du temps un produit qui n’a pas changé dans sa conception depuis plusieurs décennies » explique Cécile François, directrice de la communication institutionnelle de la Maison Hennessy. Et qui mieux que les artistes savent s’imprégner de cet air-là ?
Hennessy multiplie ainsi les collaborations tous azimuts. Si la maison peut aller chercher dans l’underground des street artists comme JonOne, Futura 2000 ou le tatoueur Scott Campbell pour imaginer les étiquettes de ses cognac VS, elle va aussi chasser sur les terres du design en demandant à Marc Newson de réinterpréter la carafe du XO que le designer superstar choisira d’habiller de plexiglas. Plus audacieux encore, la Beauté du siècle de l’artiste Jean-Michel Othoniel, un coffre baroque d’une sophistication inouïe réalisé à l’occasion du centenaire de l’anniversaire de Kilian Hennessy, né en 1907.
Cognac, nouvelle destination culturelle
Ailleurs dans la ville, la maison Martell a noué des liens très étroits avec l’art en ouvrant les portes de sa fondation d’entreprise en octobre 2016. Inauguré avec le gigantesque pavillon des architectes espagnols José Selgas et Lucìa Cano, spécialisés dans les structures translucides ouvertes sur l’extérieur, le lieu a inspiré Vincent Lamouroux, lauréat du Prix Ricard en 2006, qui a transformé l’endroit en une planète inconnue : les visiteurs peuvent ainsi déambuler dans son installation Par nature entre les palmiers sortis des 210 m3 de sable blanchi à la chaux. « Cognac est en train de devenir une nouvelle destination culturelle, se réjouit Nathalie Viot, directrice de la fondation, avant d’appuyer sur le dynamisme artistique de la Charente et de la Charente-Maritime. Notre volonté est notamment de mettre en lumière les jeunes talents de la région Nouvelle-Aquitaine et de les faire grandir : l’atelier W110 a par exemple installé ici ses balançoires, 71 bis a fait défiler les salariées de la Maison, l’Oseraie de l’Ile a montré tout son savoir-faire autour de l’osier… »
A quelques encablures, la maison Renault a dévoilé fin 2017 un calendrier de l’Avent d’un genre inattendu : une plaque de chêne sur laquelle sont suspendues les 24 eaux-de-vie constitutives des cognacs de la marque. « Afin de réaliser cette œuvre exceptionnelle, Renault a fait appel aux artisans de l’atelier Drevelle, qui ont réalisé le cadre et les vingt-quatre boîtiers miniatures contenant chacun une fiole de cognac », détaille Jérôme Durand, directeur de Renault. Produit unique, le calendrier a fait l’objet d’une vente dont les bénéfices seront versés aux Compagnons du devoir pour encourager la transmission du savoir-faire, même si « pour l’instant, l’œuvre n’a pas encore trouvé preneur », confesse Jérôme Durand.
Musique classique, jazz et exposition d’œuvres
Chez Meukow, même si l’espace Guyenne, une magnifique miroiterie réhabilitée, accueille peintres et photographes du cru, l’accent a été mis sur la musique avec l’acquisition d’un piano Steinway qui trône dans le restaurant Chai Meukow. « J’ai toujours eu envie de faire entrer de la musique dans ce lieu à l’acoustique exceptionnelle, vibre Marie-Laure Brugerolle, directrice générale déléguée de la maison. Si nous sommes partis de la musique classique, nous nous ouvrons aussi au jazz et faisons parfois répondre les deux pianos : celui des artistes venus jouer et celui de notre chef Julien Lachenaud. L’entreprise, c’est un lieu de vie, et j’ai du mal à concevoir une vie sans art. »
A la maison Hine, la démarche est basée sur un partenariat avec le Royal College of Art à Londres. « Tous les ans depuis 2011, nous remettons le prix Hine à un artiste parmi les étudiants diplômés de l’école, raconte Margje Pruim du département marketing et communication de la vénérable maison fondée en 1763. Nous achetons l’œuvre gagnante pour l’exposer ici, dans nos bureaux, et faisons ensuite travailler le lauréat sur l’étui de notre édition limitée H by Hine mise en vente entre octobre et décembre. »
Récompensé en 2016, David Schroeter a adapté The Willow Tree, une de ses œuvres lumineuses inspirées par son arbre favori en contrebas de sa fenêtre à Brooklyn. En 2017, c’est Jade Fadojutimi qui a décroché le prix. Mais il faudra attendre la rentrée 2018 pour découvrir de quelle parure elle a enveloppé l’étui du H by Hine. Un mariage étonnant qui fait office de symbole et traduit le constant effort des maisons de cognac pour marier la tradition avec un air du temps toujours plus créatif.