Les terroirs des paysages du cognac
Les terroirs des paysages du Cognac viticoles appartiennent aux plaines du Sud-Ouest du Bassin aquitain. Elles reposent sur des terrains sédimentaires qui ont façonné deux grands types de terroirs et une multitude de micro-milieux plus ou moins propices à la culture de la vigne.
Les couches sédimentaires du Bassin aquitain s’appuient sur le Massif armoricain et les monts du Limousin, et plongent lentement vers le Sud-Ouest. Dans les Charentes, leur affleurement en surface est légèrement oblique (sud-est/nord-ouest). Elles ont subi les déformations hercyniennes nord-ouest/sud-est dès l’ère primaire et est-ouest au Tertiaire, avec l’émergence des Pyrénées. Les mouvements de l’écorce terrestre se manifestent par la courbure synclinale Saintes-Châteauneuf et l’anticlinal de Saintonge-Jonzac-Brouage. Ce dernier perce les couches sédimentaires plus récentes suivant un axe sud-est/nord-ouest. Au centre, les couches plus anciennes du Cénomanien composées d’argiles, de sables et de calcaires gréseux donnent des terroirs différents. De part et d’autre de l’accident tectonique, se retrouvent les mêmes terrains, en particulier la craie du Crétacé.
Les doucins de Saint-Palais de Phiolin
On est en présence de doucins : argiles sableux et grès calcaires du Cénomanien de l’anticlinal de Saintonge.
Au sein des terrains sédimentaires, se succèdent d’épaisses couches de calcaires plus ou moins résistants, des argiles et des sables. La sédimentation marine s’est arrêtée vers la fin du Crétacé (60 millions d’années), tandis que les apports continentaux descendus du Limousin se sont achevés durant la seconde moitié de l’ère tertiaire (10 millions d’années).
Durant la première moitié de l’ère tertiaire, les climats à dominante tropicale et semi-aride altèrent les couches superficielles, favorisant des phénomènes d’induration, d’apparition de rognons de silex et d’éléments de cuirasses sur les calcaires par la migration de la silice, des oxydes de fer… Sous l’action de climats particulièrement humides et chauds, l’altération et l’érosion du socle cristallin alimentent les apports détritiques descendus du Limousin sous la forme de vastes épandages recouvrant la majeure partie des terrains sédimentaires marins. Vers la fin du cycle d’élaboration d’un vaste glacis incliné vers l’ouest, l’érosion élimine souvent les sables pour ne laisser que les produits fins argileux en aval et plus grossiers en amont. La réduction progressive de la pluviométrie permet un début d’érosion différentielle et la concentration du réseau hydrographique.
Le Quaternaire est marqué par la succession de quatre périodes glaciaires et d’interglaciaires plus doux, avant l’arrivée du climat actuel, vers 15 000 ans avant notre ère. L’abaissement du niveau de la mer d’une centaine de mètres lors des glaciations, puis sa remontée lors de la transgression flandrienne expliquent les phénomènes d’ennoyage sur les façades côtières et les estuaires, la reprise par les vents d’ouest des sables et des limons accumulés sur les estrans durant les cycles de basse mer.
À la fin de l’ère tertiaire, les gouttières de la Charente et de la Garonne-Gironde se dessinent bien. Les vallées s’approfondissent, exploitant les déformations hercyniennes et pyrénéennes de la croûte terrestre et des couches sédimentaires, respectant les terrains résistants (calcaires, grès). Lors des phases froides, les terrains tendres sont évidés, les dépressions s’installent. L’alternance de basses températures et de phases plus douces favorise la réduction en surface des calcaires en plaquettes et la formation de grèzes qui s’écoulent le long des pentes. Leur abondance adoucit des formes de relief, ce qui explique le déversement des écoulements fluviaux (la Charente abandonne le méandre de Mainxe). Les vallées recensent une succession de terrasses emboîtées et de dépôts alluviaux. Près des façades côtières, s’accumule le dépôt de sables éoliens tandis que s’amorce la transgression flandrienne chargée de sable argileux : le bri.
Deux grands terroirs…
Dans les Charentes viticoles, les groies et les champagnes constituent les principaux types de terroirs. La vallée de la Charente établit la limite méridionale des groies, les champagnes constituant la majeure partie des sols dans les autres espaces charentais, en dehors des dépôts argilo- siliceux tertiaires résiduels en position culminante. Les groies se localisent sur les calcaires durs du Jurassique et de certains étages du Crétacé (Turonien et Coniacien). Légers, peu épais et caillouteux, ces sols contiennent des argiles de décalcification, de teinte brune, rougeâtre. Leur teneur en calcaires actifs est peu élevée. Les groies occupent de bas plateaux et restent très perméables en raison de l’abondance des pierres débitées en plaquettes et de leur faible épaisseur ; elles se réchauffent rapidement sous le soleil. En fonction de leur teneur en argiles et pierres, on distingue trois types de groies.
Le Campanien en Grande Champagne
Il s’agit d’une terre de Champagne très érodée d’où émergent de petites pièces crayeuses.
Les groies de Mainxe Elles reposent sur le Coniacien-Turonien qui renforce le revers de la cuesta.
Les landes du Montmorélien Au sud de Deviat, sur les hauteurs du Sud-Charente, les terrains argilo-siliceux situés à 146 m d’altitude portent des doucins pulvérulents en été comprenant de jeunes plantations dans les clairières.
Le Campanien de Saint-Dizant-du-Gua
Les petites ondulations de la craie du Campanien couvertes de jeunes plantions colonisent les terres de Champagne enrichies de pierres tendres ; elles dominent le marais et l’estuaire de la Gironde.
Les groies squelettiques, « lunaires » pour certains viticulteurs des Borderies et de la Grande Champagne, se caractérisent par une abondance de pierres grossières dominant les couches du Coniacien et du Turonien. Très sèches, brûlées par le soleil estival, elles affichent un rendement en vin modeste. Les groies pierreuses ou petites groies contiennent des argiles de décalcification, plus ou moins pulvérulentes en été, et possèdent une certaine épaisseur. Elles renferment de très nombreuses pierres dures difficiles à broyer. Le calcaire est peu actif. Ces sols très perméables sont présents sur les couches du Portlandien et du Kimméridgien. Ces groies couvrent de vastes étendues au nord d’Angoulême et de Matha, jusqu’à Aulnay et La Rochelle. Situées vers le bas des pentes, les groies plus profondes ou fortes groies sont moins chargées en pierres, plus riches en argiles et possèdent de meilleures réserves en eau.
Les sols « lunaires » au sud-est de Cherves-Richemont
Dans le Pays bas émergent des buttes de près de 40 m d’altitude de calcaires durs appartenant au Coniacien et Turonien. Les groies sont squelettiques, peu épaisses, chargées de pierres très dures difficiles à travailler. La vigne trouve suffisamment de réserves d’eau pour se développer.
Le Pays bas et ses terres argileuses.
Par 10 à 20 m d’altitude, le Portlandien devient très argileux et plus difficile à drainer malgré quelques graviers calcaires en profondeur. Une légère pente se dirige vers un affluent de l’Antenne. Les terres basses restent sensibles aux gelées de printemps.
Uniques au monde, les terres de Champagne se développent sur la craie du Santonien et du Campanien. De couleur grise plus ou moins foncée, le sol est mélangé à de nombreux éclats de pierres de calcaire crayeux tendre. Situées entre 60 et 120 m d’altitude, les hautes champagnes reposent sur les couches de craie du Campanien d’une épaisseur supérieure à 200 m. Souvent en position dominante, elles deviennent blanchâtres en subissant l’érosion des violents orages d’été et contiennent une forte teneur en calcaire actif. Peu épaisses au-dessus du sous-sol de calcaire friable, ces terres permettent aux racines de la vigne de s’enfoncer sur plusieurs mètres de profondeur, ce qui les protège des fortes sécheresses.
Les cognacs de Grande Champagne détiennent des capacités de vieillissement supérieures aux autres eaux-de-vie de l’appellation Cognac. À une moindre altitude, se trouvent les basses champagnes du Campanien et du Santonien, plus épaisses et moins chargées de calcaires en plaquettes. Elles se ressuient moins bien dans la dépression de Gensac et de Bouteville, de Pérignac et de Jarnac-Champagne. Sur le plateau des Borderies, la craie du Santonien se retrouve à plus de 60 m d’altitude, partiellement recouverte d’argiles fines tertiaires continentales.
Les champagnes boisées sont localisées dans le sud des Charentes au milieu de clairières. Au sud-est de Jonzac, de Barbezieux, à Montmoreau et Montguyon, la forêt de résineux occupe les dépôts argilo-siliceux résiduels situés sur les parties les plus élevées. Sur les versants, les terres grises et blanchâtres soulignent les domaines cultivant la vigne. Les champagnes s’étendent aussi sur les rives de la Gironde. Sur le flanc occidental de l’anticlinal de Jonzac- Brouage, réapparaît le Campanien à la faveur de belles croupes taillées dans la craie. À l’ouest, les terres souvent enrichies par des sables éoliens sont moins collantes et donnent des cognacs riches en bouquet et arômes.
… et une forte diversité de terroirs localisés.
Doucins, sables continentaux, sables éoliens, varennes et grèzes… une multitude de micro-milieux plus ou moins propices à la culture de la vigne composent le paysage des Charentes. Situés en position sommitale et classés dans les terres de Brandes où le couvert forestier domine, les terroirs dérivés des lambeaux du glacis tertiaire comprennent des sables, graviers et galets. Ils enregistrent une plus forte pluviométrie, créant un réservoir d’eau qui s’écoule lentement vers les versants des terres de Champagne. Juste en dessous figurent les doucins, des terrains humides parsemés de « mouillères » en hiver, souvent en discordance avec les couches crayeuses sous-jacentes.
Ils sèchent en été et deviennent pulvérulents. Développées sur les argiles sableuses du Cénomanien, les terres du centre de l’anticlinal de Saintonge et sur l’axe Burie-Angoulême peuvent se rattacher aux doucins en termes de potentiel.
Les varennes et les grèzes sont directement liées à l’action des derniers paléoclimats du Quaternaire. Les graviers calcaires proviennent de l’érosion des plateaux bordiers et ont été remaniés par les abondantes rivières des périodes humides paléoclimatiques. Ces dépôts remaniés par les eaux courantes s’accumulent aussi dans des dépressions, comme celle de Thors sur une forte épaisseur, sur les terrasses de la vallée de l’Antenne et celles des cours d’eau de son bassin hydrographique. Ils sont également à l’origine de terroirs particuliers dans les Borderies. Quant aux alluvions récentes des vallées, elles constituent des milieux peu favorables aux productions viticoles de qualité.
© Michel Guillard