Rencontres, dégustations, découvertes… Felipe Schrieberg, spécialiste des spiritueux pour Forbes, nous emmène sillonner les routes de la Grande Champagne.
« En janvier 2020, j’embarque avec d’autres journalistes dans une petite voiture pour sillonner les routes vallonnées de la Grande Champagne, le fameux cru au centre du vignoble de Cognac. La conductrice s’appelle Irène Doreau. Elle a fondé l’agence XO Madame : « Les vignes sont plus belles l’été mais l’hiver a sa propre poésie ! » Le manque de feuillage nous est égal car nous sommes heureux d’être là et impatients de déguster !
XO Madame est une agence spécialisée dans la découverte de la région de Cognac. En ce qui nous concerne, nous sommes là pour découvrir les origines de l’eau-de-vie. Notre premier arrêt est pour la maison Bourgoin, qui possède ses propres vignes et traditionnellement distille aussi pour d’autres maisons. Récemment, elle a également entrepris de produire un nouveau cognac qui porte son nom, élaboré à partir des raisins qu’elle cultive. Le résultat est délicieux, tout autant que la dégustation d’un cocktail rafraîchissant associant cognac Bourgoin, tonic et un verjus élaboré par la maison.
Règles et styles
Bourgoin est une entreprise familiale indépendante qui, depuis quatre générations, cultive la vigne pour produire et élever des eaux-de-vie qui deviendront du cognac. Bien que cette longévité m’ait paru tout à fait remarquable, je me suis vite rendu compte que c’est en fait assez courant dans la région. Bache Gabrielsen, qui assemble des eaux-de-vie élaborées par 80 producteurs pour créer ses cognacs, existe également depuis quatre générations. Delamain, dont les cognacs, riches et plus vieux, sont exclusivement issus de raisins de la Grande Champagne, a été fondée il y a plus de 200 ans. Quant à Frapin, ses origines remontent au XIIIe siècle. Ainsi, l’histoire de la région et des spiritueux qu’elle produit est intimement liée à se sgrandes familles.
Bien que le Cognac soit élaboré uniquement à partir d’eau, de raisins et de levures, et suivant des règles très strictes de production, d’élevage et d’assemblage, les producteurs ont inévitablement développé au fil du temps des styles uniques qui contribuent au caractère et aux saveurs propres à chaque cognac. Chez Delamain, par exemple, j’ai appris qu’un cognac plus vieux, les Faibles (env. 15 % vol.), est utilisé pour réduire le degré d’alcool des autres cognacs avant la mise en bouteille. La Maison Bourgoin, de son côté, crée des cognacs élevés en micro-fûts de 10 litres pour accroître les contacts entre le liquide et le bois et faire naître de nouvelles saveurs.
Archives vivantes et innovation
Et puis il y a les chais. Sur le papier, il s’agit simplement du lieu où les fûts contenant l’eau-de-vie sont stockés. En pratique, ce sont des archives vivantes, des musées et des espaces de dégustation. C’est particulièrement vrai du « paradis » qui regroupe les plus vieilles eaux-de-vie de chaque maison de cognac. Le silence, la lumière et l’atmosphère de révérence qui règnent en ces lieux ne sont pas sans rappeler les églises. Ces chais abritent des cognacs vieux de plusieurs dizaines d’années, souvent aux côtés d’une collection de dames-jeannes couvertes de toiles d’araignée datant du 18e siècle, l’époque de Napoléon.
Si le Cognac est indissociable de la tradition, il est également source d’innovation. Fondé en 2012 et installé dans l’excellent hôtel François Premier, le Bar Louise est le premier véritable bar à cocktails de Cognac. Il propose de superbes compositions à base de cognac et ouvre à ce dernier de nouvelles perspectives audacieuses. En ce qui concerne les heureux membres de notre petit groupe, notre cocktail préféré de la soirée a été improvisé par notre barman Germain Canto qui a combiné liqueur de pêche, blanc d’œuf, jus de citron vert fraîchement pressé et cognac VSOP. Je crois que c’est grâce à ce mélange de tradition, d’innovation et de charmante spécificité que le Cognac restera incontournable pour tous les amateurs de boissons de qualité.