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Christophe Veral « Ce n’est qu’à plusieurs que vous assemblez un grand Cognac »

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Christophe Veral « Ce n’est qu’à plusieurs que vous assemblez un grand Cognac »

Le président du Bureau national interprofessionnel du Cognac n’est pas un enfant du cru. Rien ne le disposait à devenir viticulteur en Charente, où il a trouvé « la qualité du silence, la puissance de la parole donnée et la force du collectif ».

Il se lève tôt, à l’heure où le givre recouvre la vigne. Au loin, les fumerolles des distilleries ponctuent l’horizon rougeoyant. C’est son moment préféré. Il entre au chai et respire. Notes d’agrumes et de rose anglaise. Il s’approche de l’alambic ; l’écoute chauffer, ronronner et couler. Tous ses sens sont en éveil pour choisir le moment précis de la coupe…

Christophe Veral, 54 ans, vit à Sainte-Sévère, en Charente. Il est viticulteur et bouilleur de cru. « Conduire la vigne, la tailler et la vendanger ne s’improvise pas, dit-il. Produire de bons vins à distiller non plus. Le vin blanc apte à l’élaboration de Cognac est acide et peu alcoolisé. Il est fragile et doit être préservé avec la plus grande attention, d’autant que l’ajout de soufre est rigoureusement interdit. »

Et le professionnel d’expliquer que la double chauffe charentaise va concentrer les arômes. Que le distillat incolore, titrant environ 70 % d’alcool, ne deviendra Cognac qu’après un long séjour en fût de chêne…

Sous le chapiteau, le col-de-cygne et le serpentin de cuivre, Christophe Veral raconte combien son métier diffère de celui d’un vigneron à Bordeaux ou dans le Val de Loire. Depuis novembre 2020, il préside le Bureau national interprofessionnel du Cognac (BNIC). L’institution compte une centaine de salariés et autant d’élus. Elle fédère 4 200 viticulteurs, 110 distillateurs et 280 négociants. Organisme privé investi de missions de service public, le BNIC est le vaisseau amiral d’une filière pesant 223 millions de bouteilles et 3,6 milliards de chiffre d’affaires en 2021.

Pieds de vigne, © Michaël Boudot/Hine

Il y a trente ans, lorsque Christophe Veral s’est installé, le Cognac n’allait pas aussi bien. C’était la crise. Le marché japonais qui s’effondre. Les stocks que l’on brade. Les vignes qu’on arrache.

Le jeune marié avait l’insouciance de la jeunesse. Sans son épouse, sans son beau-père, il n’aurait pas embrassé cette carrière. Celui qui était encore « étranger » au pays du Cognac leur doit beaucoup. Christophe Veral n’est pas du cru. Il a grandi près de Châtellerault (Vienne), dans une famille de grossistes en viande et de restaurateurs. Diplômé d’une école hôtelière, il a beaucoup bourlingué. Afrique, Toulouse, Paris. Un jour, l’un de ses patrons l’envoya à Rungis. « Un souvenir extraordinaire ! J’appris comment une poignée de mains pouvait sceller un prix », se rappelle-t-il. Dans le marasme de la Charente des années 90, il a osé changer de vie. Être salarié de son beau-père. Retourner à l’école. Se mettre à son compte. Témoignage : « J’ai décidé de ne vendre que des eaux-de-vie, pas de vin. J’ai pris mon courage à deux mains, passé un blazer et poussé la porte d’un grand négociant. J’ai salué le maître de chai et repensé à Rungis, à la puissance de la parole donnée… »

C’est ainsi que Christophe Veral devint viticulteur charentais. « Ce qui m’a plu, ici, c’est la beauté des paysages, la douceur de la lumière et la qualité du silence. La Charente est un pays silencieux, où l’on cultive la discrétion derrière de hauts murs et de grands porches. Mais lorsque vous êtes accepté, les gens vous ouvrent leur porte et leur cœur. » Cependant, le silence, aussi doux soit-il, l’a vite lassé. Il a comblé la solitude dans le syndicalisme agricole, jusqu’à présider l’Union générale des viticulteurs pour l’AOC Cognac (UGVC) de 2017 à 2020. C’est ici qu’il a découvert « la force du collectif » ; compris que les viticulteurs charentais n’étaient pas que des livreurs de matière première ; que les négociants n’étaient pas que des marchands ; que la singularité du Cognac naît de la qualité du dialogue entre les deux familles. Près de l’alambic, il le résume ainsi : « Seul, vous pouvez élever une très belle eau-de-vie. Ce n’est qu’à plusieurs que vous assemblez un grand Cognac. »

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