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Conversations

Vanessa Ferey

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En compagnie de Vanessa Ferey, chargée de mission pour le patrimoine culturel immatériel et l’ethnologie du Cognac, nous vous proposons un tour d’horizon de la candidature du Cognac au patrimoine culturel immatériel selon la convention de l’UNESCO.

Chargée de mission pour faire inscrire le Cognac à l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel selon la convention de l’UNESCO, pourriez-vous nous décrire vos objectifs ?

Depuis quelques années les acteurs de l’appellation Cognac, issus des territoires comme de la filière, sont mobilisés dans l’objectif d’inscrire le Cognac sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité auprès de l’UNESCO. J’ai rejoint l’association qui porte le projet avec la conviction que les spécificités de ce spiritueux unique sont un réel atout pour mériter un tel classement.

Mais au-delà du classement lui-même, le processus de candidature UNESCO a pour finalité d’être un outil d’aide à la décision, mobilisable par les différents acteurs du développement local (classe politique locale, développeurs de territoire – œno/spiri-tourisme, culture, formation…) et ce afin de contribuer au maintien de la vitalité de la chaîne d’élaboration du Cognac.

Un des objectifs culturels et scientifiques porté par l’association est, dans ce cadre, de faire progresser la connaissance sur la richesse patrimoniale du Cognac. La patrimonialisation de la culture immatérielle du Cognac est donc une autre façon de penser les sciences et la culture à la lumière des enjeux économiques et sociaux, des interrogations existentielles et sociétales, ainsi que des préoccupations éthiques et environnementales de toute une communauté.

© Marius W. Hansen

Quels enjeux retrouve-t-on derrière la question de la préservation d’une « culture Cognac » ?

Les modes de transferts des connaissances évoluent en fonction des attentes territoriales des régions, mais aussi selon les modes de conservation des savoirs dans les milieux professionnels attenants à l’élaboration de l’eau-de-vie de Cognac.

Un cadre théorique, ainsi que des méthodes d’analyse de la pensée systémique aident ici à la modélisation d’une « culture Cognac » pour faciliter la compréhension des phénomènes culturels complexes qui lui sont propres, par exemple la dynamique de ses relations sociales dans un contexte interculturel et transculturel.

Les savoirs et savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel des familles utilisé pour l’élaboration de cette eau-de-vie sont avant tout des savoirs vivants, ancrés dans une interculturalité professionnelle. Cet interculturalisme se développe en parallèle d’un autre phénomène épistémologique visant à satisfaire, certes des enjeux commerciaux, mais finalement soutenir la cause d’un multiculturalisme dont les origines seraient en réalité liées au concept récent de « superdiversité » en lien avec l’étude des phénomènes d’hétérogénéité et de pluralisme culturel.

Aujourd’hui, les grands enjeux sociaux, culturels, religieux et linguistiques liés à la préservation de cette « culture Cognac » soulignent autant de phénomènes de même type qui se combinent avec d’autres tels que le genre ou l’âge et le statut légal, deux sujets majeurs dans l’élaboration de l’eau-de-vie de Cognac et de sa commercialisation. Nous nous appuyons sur les travaux de Steven Vertovec (2022) qui recentrent le projet scientifique de l’anthropologie autour de la problématique centrale du « changement du changement » exploré par l’anthropologue Gregory Bateson.

Dans le cadre d’une théorie générale de la communication, nous pourrions ainsi expliquer les mouvements d’adaptation et de mutation de l’« esprit » des sociétés humaines (1972) liées aux patrimoines matériels et immatériels du Cognac depuis le XVIIe siècle.

Comment la culture Cognac, ses interactions sociales, ses connaissances et savoir-faire contribuent-ils à la préservation du patrimoine culturel immatériel ?

Les territoires culturels du cognac sont issus d’une région extrêmement diversifiée, dotée de riches patrimoines représentatifs de multiples traditions, mais aussi témoins de cette formidable aventure humaine qui participa aux fondations humanistes et universalistes de notre société contemporaine.

© Vanessa Ferey

Archives, artefacts, récits de vie, l’ensemble des traces matérielles et immatérielles peuvent contribuer de multiples façons à la réalisation des objectifs de notre candidature : qu’il s’agisse de soutenir la réhabilitation de lieux patrimoniaux, de mieux connaître les enjeux du développement durable, de favoriser l’enseignement des sciences et des techniques.

La demande de reconnaissance du patrimoine culturel immatériel de l’eau-de-vie de Cognac au titre du patrimoine commun de l’humanité est l’occasion de penser un système culturel patrimonial unique dans les Charentes qui jusqu’alors a été peu valorisé au niveau international.

L’objet théorique que nous tentons de former ici est destiné à soutenir et guider une communauté de praticiens, de professionnels, de chercheurs afin de modéliser des problématiques difficiles, tels que la complexité croissante des relations interculturelles sur les marchés internationaux des spiritueux.

L’étude d’un tel  » système culturel  » concernant les patrimoines du Cognac prend du temps. Il est nécessaire d’examiner les interconnexions utiles au maintien de son organisation (structure), des modalités opératoires de son intelligence interne (fonctionnement), ou encore ses dispositions au changement, (processus). La création d’une association pour rassembler les bases de la vaste étude des cultures humaines du Cognac constitue un point d’étape fondamental dans la vie de ses communautés désireuses de déclarer un patrimoine aux yeux de l’humanité.

© Vanessa Ferey

Par transmission transgénérationnelle, viticulteurs, distillateurs, maîtres de chai, perpétuent une histoire culturelle unique de génération en génération, favorisant ainsi la pérennité d’une culture vivante et la valorisation d’un héritage patrimonial d’exception auprès des générations futures.

Quels sont les critères pour qu’un élément soit inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO ?

Les critères pour qu’un élément soit inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO sont : traditionnel, contemporain et surtout vivant car ce patrimoine à classer ne doit pas seulement comporter les traditions héritées du passé ;être inclusif étant donné que les expressions du patrimoine culturel immatériel de la culture du cognac peuvent être similaires à celles pratiquées par d’autres à travers le monde ;  être représentatif car le bien culturel que représente le cognac se développe à partir de son enracinement dans les communautés constitutives de sa filière et dépend donc de la transmission de la connaissances des traditions, des savoir-faire et des coutumes de ses acteurs transmises à d’autres communautés ; fondé sur les communautés qui créent, entretiennent et transmettent le cognac, sans l’avis de ses dernières, le cognac ne peut être une expression ou une pratique donnée comme constitutive de leur patrimoine.

Comment est décidée l’inscription d’un élément au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO ?

Tout d’abord, les dossiers candidats sont examinés par le Comité du Patrimoine Ethnologique et Immatériel (CPEI) du Ministère de la Culture en France, qui décide, selon l’avancement du projet, de transmettre ou non les dossiers à l’UNESCO ou de demander des compléments d’information. Le CPEI peut également, en cas de besoin, auditionner les porteurs de projet. L’inscription d’un élément au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO est ensuite décidée lors des réunions du Comité intergouvernemental pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Les États partis à la Convention peuvent proposer des éléments à inscrire et le Comité évalue leur conformité aux critères établis.

Quels sont les avantages de l’inscription au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO ?

L’inscription au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO permet de sauvegarder, maintenir, revaloriser et transmettre la culture du Cognac. La reconnaissance officielle d’une inscription au patrimoine culturel immatériel de l’humanité donnera une impulsion nouvelle à nos échanges culturels à l’international, une de plus pour le Cognac dans son histoire. Certes, elle offrira aussi une visibilité accrue pour impulser favorablement une démarche de développement durable sur des questions liées à la santé, la sécurité alimentaire, l’éducation de qualité, le développement économique inclusif, l’égalité des genres, la durabilité environnementale incluant le changement climatique, ou encore la paix et la cohésion sociale.

© Cliff Ching

Comment le Cognac se distingue-t-il en tant que phénomène culturel ?

Comme je vous le disais précédemment, la « superdiversité » du Cognac est une dimension réellement intéressante pour le classement.
Cette « superdiversité » adoptée par les universitaires des sciences sociales est un point d’intérêt marquant dans l’étude de la patrimonialisation du Cognac à l’étranger qui lui aussi est en accord avec les schémas migratoires de notre histoire sociale, des Charentes aux Amériques, en passant par les Antilles, dans le cas qui nous intéresse ici.

Aux Etats-Unis, le Cognac inscrit un large chapitre de son incroyable saga. Il y d’ailleurs est devenu un marqueur « identitaire, populaire et inspirationnel » (Revue des deux mondes, 2022), contribuant ainsi à une aventure tout aussi économique que géopolitique dans le but de s’adapter et de se réinventer grâce à l’ingéniosité des communautés qui non seulement l’élaborent, mais se rassemblent autour.

Ce phénomène identitaire autour du spiritueux se retrouve dans d’autres communautés, sur le continent asiatique, africain ou encore européen, et sur chacun de ces continents, le rapport au Cognac et ses modes de consommation adoptent leurs propres récits dans un esprit totalement cosmopolite.

En conclusion, je serais tentée de dire qu’il n’y a d’ailleurs pas « une » culture Cognac mais « des » cultures Cognac.

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