SERIE DEVELOPPEMENT DURABLE
La journaliste Iris Mour s’est rendue là où tout commence : à la vigne. Elle y a rencontré cinq viticulteurs aujourd’hui engagés dans la transition environnementale du vignoble de Cognac, ce vignoble aux plus de 4 000 exploitations viticoles. Le premier portrait qu’elle signe est celui de Julien Massé, dont le domaine est situé au cœur des Fins Bois, l’un des six crus de l’appellation Cognac.
Viticulteur AOC Cognac
« J’ai donc sillonné le vignoble de Cognac, ce grand vignoble à l’emblématique cépage : l’Ugni blanc, un cépage blanc faible en sucres et à l’acidité élevée, deux caractéristiques qui permettent d’obtenir un excellent vin de distillation. Et j’y ai rencontré Julien Massé. Ce solide trentenaire exploite une quarantaine d’hectares de vignes à Bordeville, lieu-dit de la région des Fins Bois, l’un des six crus de l’appellation Cognac.
Julien a choisi de livrer ses eaux-de-vie à une grande maison de négoce, qui assure la commercialisation. « Qui pourrait faire le lien entre moi, viticulteur dans un petit bourg charentais, et un influenceur américain, fan de « yak » comme on dit à New York ? », sourit-il, conscient du choc culturel entre une production enracinée dans un terroir marqué par le souci de la transmission des savoir-faire et la soif mondiale pour le Cognac.
Son nom néanmoins, ne m’était pas inconnu. Jeune journaliste, je l’avais découvert en couvrant une action syndicale. Chez Julien, aujourd’hui président des Jeunes Agriculteurs de Charente, l’engagement est allé croissant. Engagé à titre collectif, il l’est aussi dans l’intimité des vignes dans lesquelles il expérimente des systèmes de culture vertueux qui permettent de limiter l’usage de produits phytosanitaires.
Un pionnier de l’enherbement
Julien a rejoint en 2012 le réseau de fermes pilotes DEPHY (signification de l’acrocyme )qui réunit dans chaque région viticole des exploitations volontaires pour développer, mutualiser et diffuser les expériences réussies de changement. Pionnier des pratiques d’enherbement (radis, légumineuses, céréales), il a depuis acquis la maîtrise des couverts végétaux : les radis captent ainsi les apports nutritionnels excédentaires et les restituent dans la vigne une fois l’herbe broyée, les céréales décompactent les sols et apportent de la biomasse, les légumineuses captent l’azote de l’air.
« On a changé d’époque »
En 2020, nouvelle étape. Julien généralise les biocontrôles à partir de produits naturels comme les huiles essentielles d’orange, la pectine de pomme ou les oligo-éléments dont il se sert pour stimuler les défenses naturelles de la vigne et réduire les doses de traitement. « En période de pression parasitaire, je passe l’ensemble de mon vignoble sous biocontrôle », témoigne-t-il. Scrutant le ciel, il s’est même équipé d’une petite station météo pour en suivre les variations en temps réel sur son téléphone portable.
Autre changement, les haies sont revenues fleurir le vignoble avec 1 200 mètres de plantations, réalisées en février 2021 autour de trois parcelles, afin de renforcer la biodiversité en servant d’habitat à la faune auxiliaire. Julien a choisi des variétés locales avec des jeunes plants de cornouillers, de pruneliers, de troènes et d’aubépines issus de graines récoltées localement, dans le Poitou ou en Charente. « On a changé d’époque. Par exemple, mon père, comme tout le monde, désherbait les vignes. Aujourd’hui, j’ai envie d’explorer d’autres voies : travailler des couverts végétaux, planter des haies… »
À l’image de Julien Massé, le vignoble de Cognac est porté par une nouvelle génération de viticulteurs passionnés. « La bonne santé économique de la filière est une chance, explique-t-il, car elle nous permet de vraiment aller à fond dans la transition environnementale », mentionnant avec fierté l’obtention de la Certification Environnementale Cognac & HVE, qui intègre des exigences spécifiques à la filière Cognac en plus des critères de la certification HVE définis par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. Objectif pour la filière Cognac : 100 % d’exploitations ainsi certifiées d’ici 2028.
À suivre…