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Cosmopolite

Une aventure afro-américaine

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Le Cognac a été adopté par les GI* afro-américains stationnés dans le Sud-Ouest de la France lors de la Première Guerre mondiale. Depuis un siècle, il a été successivement associé au jazz, au rhythm and blues et à la culture hip-hop. Stéphane Reynaud, journaliste et rédacteur en chef des pages « Style et Art de Vivre » au Figaro, nous raconte l’aventure afro-américaine du Cognac dans le hors-série « L’incroyable saga du Cognac » édité par La Revue des Deux Mondes.

 

De New York à Los Angeles, le Cognac est avant tout la boisson fétiche de la communauté afro-américaine. L’alcool brun des Charentes, que les GI ont découvert en France lors des deux guerres mondiales, a toujours eu au sein de ce groupe ethnique un meilleur goût en bouche que les gnôles made in USA, plus blanches, et dont les noms et le packaging mettent en avant un esprit sudiste ou cow-boy très wasp**. Le Cognac n’a jamais eu besoin de la musique noire pour exister et cette dernière aurait très bien pu se passer du Cognac. Mais force est de constater que depuis belle lurette les deux avancent ensemble, en harmonie.

L’histoire commence en 1917. À peine débarqués en France, les GI noirs américains sont confrontés aux horreurs de la guerre de tranchées. Entre deux assauts, les permissions à Paris leur donnent l’occasion de découvrir l’eau-de-vie charentaise, tandis que les jeunes Français vibrent au son des cuivres et percussions du nouveau style musical qu’ils ont apporté avec eux : le jazz. L’affaire continue après la guerre. Les musiciens américains chauffent à blanc les caves parisiennes. Les générations suivantes vont faire perdurer ce bel accord entre la musique et l’alambic. Le rhythm and blues, digne héritier agité du jazz, ne renie en rien son penchant pour les VS, VSOP et XO, un stimulant sans pareil pour jouer et danser jusqu’au bout de la nuit, à Paris ou New Orleans. De concerts en soirées, l’histoire nous emmène jusqu’aux années quatre-vingt, quand quelques DJ et Masters of Ceremony installent leurs micros et platines dans les rues du Bronx, à New York. Le hip-hop vient de naître. Le volume sonore ne redescend pas. Toute une communauté scande des textes très directs – c’est le rap −, jette les bases d’une danse acrobatique – la breakdance – et recouvre les murs de motifs pleins de rondeurs et de couleurs – le graff. L’alcool brun suit la tendance.

Pharrell Williams et Busta Rhymes au festival de Coachella, 19 avril 2014, © Christopher Polk/Getty Images ©revue des deux mondes

Encore aujourd’hui, les clins d’œil aux grandes marques sont aussi fréquents dans les textes des rappeurs que les taxis jaunes à New York. Busta Rhymes, Nas, Jay-Z et d’autres n’ont cessé de multiplier les références favorables à l’eau-de-vie charentaise. Fort opportunément, les maisons charentaises entretiennent la flamme du rap.

Les consommateurs nord-américains s’affranchissent largement des codes de dégustation classiques. On a ainsi vu Jay-Z verser son spiritueux préféré dans le trophée remis lors des Grammy Awards. En règle générale, aux États-Unis, la mixologie est la meilleure amie du Cognac. « La culture du cocktail a été réinventée à New York dans les années 80 par Sasha Petraske, au Milk & Honey, explique Jordan Bushell, mixologiste new-yorkais. Et puis le reste des États-Unis, Londres et les autres grandes capitales ont suivi. » Comme New York se réinvente en permanence, la mixologie suit le mouvement. Dans les établissements perchés sur les rooftops, les barmen donnent aux cocktails à base de Cognac l’image d’un fun drink.

À New York, Babel contemporaine, aux côtés des Afro-Américains, clients fidèles, de nouvelles populations gagnent en influence. Ainsi la communauté hispanique fait-elle rayonner sa culture. Le Cognac n’en est pas absent. Comme dans le luxueux bar d’inspiration cubaine du Pier One, installé à la pointe sud de Manhattan, où se mélangent banquiers de Wall Street, branchés et touristes. Ici, les cartes de cocktails font cohabiter, parfois au sein d’une même recette, le Cognac, le whiskey, la cachaça. Le tout associé au gingembre, à la vanille et aux agrumes. Tout le continent américain dans un seul verre.

Dans les grandes villes nord-américaines, la communauté asiatique a elle aussi adopté l’esprit de la Charente. Dans les restaurants et bars coréens de la 31e Rue, à New York, on se fait servir un Ktown SideKar à base de Cognac VSOP, de pêche de vigne, de jus d’ananas et de sirop de coriandre. Un peu plus loin, dans un esprit plus sophistiqué, le cocktail Reserve#2 (Cognac, whisky, liqueur de Bénédictine et bitter) arrive en accompagnement de viandes épicées, comme ce Korean Bacon, poitrine de porc croustillante, ou ces Sweet & Tangy Chicken Nuggets, des bouchées de poulet caramélisées. L’accord parfait.

Les boutiques et épiceries diverses font le gros du marché. Toutefois, la part des bars, restaurants et surtout des clubs est loin d’être négligeable.

La culture du Cognac aux États-Unis s’inscrit aussi dans un mouvement plus général qui a pris une importance croissante ces dernières années : le « craft ». Dans son sens premier, le craft correspond à ces objets artisanaux qui sont réalisés à la main par un « expert ». Au-delà de cette définition basique, le craft devient aujourd’hui une façon d’apprécier à nouveau ce qui est fait par l’homme et ne peut pas être industrialisé et produit à la chaîne. Paradoxalement, ce mouvement qui repose sur le travail manuel et les connaissances empiriques se développe bien en Californie, qui est avant tout l’État de la technologie, du digital et de la dématérialisation. Ce sont les personnes qui font fortune avec les nouvelles technologies qui veulent consommer craft. Le Cognac correspond à ces nouvelles attentes. Les eaux-de-vie sont réalisées à partir d’un raisin dont la maturité est liée à des phénomènes naturels, un sol, un ensoleillement. Elles sont produites par l’homme. Il n’y en a pas deux semblables. Leur assemblage demande un savoir-faire immense.

Enfin, depuis 2020, le basket est un nouvel axe de communication du Cognac aux États-Unis. Il compte des dizaines de millions de fans, de toutes origines sociales, de toutes ethnies, réunis autour des valeurs de ce sport, de la compétition, mais aussi du jeu.

Retrouvez l’intégralité de l’article et des histoires inédites sur le Cognac dans le hors-série « L’incroyable saga du Cognac » disponible en kiosques, en librairies et sur le site internet de la Revue des Deux Mondes.

Tous droits réservés à La Revue des Deux Mondes

*appellation donnée aux soldats américains

** nom donné, aux États-Unis, aux citoyens de race blanche, d’origine anglo-saxonne et de religion protestante, constituant les couches dirigeantes du pays

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