Pionnier de la nouvelle scène cocktail belge, le mixologue Didier Van den Broeck est l’un des barmans les plus inspirés d’Europe du Nord. Dans son repaire anversois Dogma, il crée des mix qui brillent par la finesse et la créativité. Grand amateur de cognacs, il a livré sa vision et ses conseils au journaliste Peyo Lissarrague.
Quelle est la place du Cognac à Dogma ?
– C’est clairement un de mes spirits préférés, notamment pour ses saveurs totalement uniques de raisin, d’épices et de fruits. Avec, on peut vraiment aller chercher des subtilités aromatiques surprenantes, rares dans les autres spiritueux. Les barmans qui s’en passent se privent d’un ingrédient de tout premier choix ! A mon sens, il ne faut pas e doser en grande quantité car sa richesse organoleptique est telle qu’elle amène tout de suite de la fraîcheur et de la subtilité.
Comment l’utilises-tu justement ? Avec quoi l’associes-tu ?
– Souvent je l’ajoute en complément, y compris sur des mix très simples comme un Gin Tonic. Pour moi, le cognac est comme un ami qui ne veut pas rester seul. Dans les shakers, il va ainsi s’épanouir au contact des agrumes, de la pomme, de la cerise… Dans les coolers aussi, il est magnifique. Et il va également parfaitement s’exprimer dans un registre que je vais appeler « dessert » grâce à un petit côté tarte tatin ou tarte aux abricots…
Je crois aussi que tu le travailles sur de grands classiques…
– Exactement. Le plus vieux cocktail du monde, le Sazerac, porte d’ailleurs le nom d’une ancienne maison de cognac. La Nouvelle-Orléans, d’où il est originaire, a eu une influence majeure sur la place occupée par le Cognac en mixologie. L’association entre les spiritueux importés par des migrants venus de France et les alcools locaux a donné naissance à de grands classiques. On rajoute les épices de la cuisine créole et on a la base d’une foule de recettes qui sont aujourd’hui encore déclinées par des barmans partout dans le monde ! Gary Regan, l’un des géants du cocktail, disait toujours : « They will never remember your name or what drink you gave them, but they will remember how they felt ». J’essaie de suivre son précepte en jouant plus sur les sensations que sur les noms. J’aime déstabiliser mais sans brusquer. Les cognacs sont idéaux pour cela. Ils surprennent toujours. Je propose ainsi une interprétation du Vieux Carré dans une veine plutôt classique mais en ajustant à ma façon. Moins de vermouth, un peu plus de bénédictine, beaucoup de bitters, un vrai rye et un cognac. Imparable.