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La vigne comme spectacle culturel

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La vigne comme spectacle culturel : évolution de sa représentation à travers l’histoire

Si la présence de la vigne est attestée depuis des millénaires, il faut attendre l’époque moderne pour qu’elle soit « vue » (et donc représentée) comme l’élément constitutif d’un paysage culturel. Comme le rappelle Yves Leginbühl, « si le terme paysage est né en Occident pendant la Renaissance, il existait sans doute des paysages viticoles bien avant cette période. »

 

 

 

 

 

 

 

© Aurélien Terrade

La vigne : une invention contemporaine

Depuis l’Antiquité, la vigne est représentée comme symbole, comme décor ou comme allégorie, puis dans des scènes réalistes avant de devenir un sujet de paysage s’offrant à la vue pour lui-même. Cette découverte récente du caractère culturel du paysage de vigne est comparable à celle des paysages de mer ou de montagne par les Romantiques au XIXe siècle. C’est à la fin de ce siècle que s’amorce une reconnaissance du paysage viticole. La vigne que montrent les artistes de l’Antiquité sur les peintures, les sculptures, les céramiques, les mosaïques a une fonction symbolique. Elle est liée au culte des morts ou figurée comme attribut du dieu. Quand elle n’est pas représentée pour son caractère sacré, c’est un élément de décor, les deux fonctions se mêlant souvent.

Bacchus adolescent, Caravage, vers 1600, musée des Offices, Florence.                                                      

À l’époque classique, c’est encore dans la mythologie que l’on trouve des représentations de la vigne.

En Égypte, les peintres qui montrent dans plusieurs tombes tous les détails de la récolte d’une vigne, conduite sur de hautes pergolas, en donnent une représentation la plus fidèle possible mais dans un but symbolique.

Au Moyen Âge, la vigne reste intimement liée au sacré. Elle figure essentiellement dans les scènes religieuses. Bien qu’appartenant à une société féodale en majorité rurale, les artistes ne « voient » pas les paysages viticoles. La vigne, toujours porteuse d’une forte valeur symbolique, reste réservée à l’illustration de différents épisodes de la Bible et à celle des mois du calendrier : taille en mars, vendanges en septembre. Ces rituels symboliques de la vigne ne sont pourtant pas dénués de réalisme. Dans les scènes de vendanges, on voit le vigneron accomplir des gestes ancestraux, soutenir délicatement la grappe d’une main et s’apprêter, de l’autre, à en couper la tige avant de la déposer dans un panier.

Le XVe siècle marque un tournant dans l’appréhension que l’homme a du monde ; il le désacralise et la défiance envers le monde sensible, instituée jusqu’alors par le christianisme, fait place à une curiosité nouvelle, à un désir de découverte du cadre naturel de la vie des hommes.

Si la vigne ne figure pas dans les premiers paysages pour la plupart imaginaires, elle apparaît sous une forme beaucoup plus réaliste dans les enluminures d’ouvrages religieux (calendriers des bréviaires) ou laïcs (livres d’hygiène ou traités d’agronomie). Un des exemples les plus éloquents nous est donné au début du XVe siècle par les miniatures des frères Limbourg qui illustrent le calendrier du livre d’heures du duc de Berry.

Les vignes rouges d’Arles, Vincent Van Gogh, musée Pouchkine, Moscou.

Bien qu’il s’agisse encore d’une scène de vendanges, Van Gogh avec le titre de ce tableau donne plus d’importance au paysage qu’aux personnages

Ces « Très riches heures » obéissent au stéréotype médiéval qui privilégie la représentation des travaux saisonniers, forme la plus visible du passage du temps, à l’attention d’une société majoritairement rurale. Dans les clos situés aux pieds des châteaux de Saumur et de Lusignan, se déroulent des scènes très réalistes qui nous informent sur le travail de la vigne en cette fin du Moyen Âge. Aussi, devant ces véritables petits tableaux de paysages, assez éloignés de leur finalité religieuse et témoins d’un nouvel intérêt pour la nature, peut-on parler de « proto-paysage viticole ». À la Renaissance et à l’époque classique, comme pendant l’Antiquité, la vigne est à nouveau associée à Dionysos/Bacchus et son cortège, une occasion de peindre des couronnes de pampres avec la précision d’une nature morte. Au XIXe siècle, le vignoble des peintres, des premiers reporters-lithographes et photographes est presque toujours le cadre d’une scène réaliste, l’espace où s’accomplit le labeur rural dont le tableau fait l’éloge. C’est le vigneron qui est à l’honneur, pas le paysage viticole. Les clichés du XIXe siècle montrent avant tout l’homme dans la vigne. Même chose dans les carnets de voyage : le tourisme se développe, mais les voyageurs s’intéressent surtout aux paysages chargés d’histoire qu’agrémentent des monuments anciens. Quelques tableaux font cependant exception, en particulier Les Vignes rouges d’Arles, de Van Gogh, scène de vendanges où le vignoble tient une place majeure.

À la fin du XIXe siècle, les vignobles replantés après la crise du phylloxéra ont changé d’aspect. La vigne plantée en rangs, palissée, devient majoritaire et structure différemment les lieux qu’elle occupe en modifiant radicalement l’effet visuel qu’elle produit.

La photographie permet un nouveau regard sur le paysage. En 1888, l’appareil photo instantané Kodak n°1 mis au point par Georges Eastman, en offrant une nouvelle liberté aux photographes, change la manière de voir le monde. Mais l’imitation de la nature n’est plus l’enjeu de la peinture moderne. Les photographes s’intéressent plus à la société vigneronne qu’au paysage viticole.

Amour vendangeur, fragment d’une mosaïque tunisienne du IVe siècle, musée du Louvre, Paris.

Les Romains sont sensibles à l’aspect décoratif de la vigne

Il faut attendre la fin du XXe siècle pour que le concept de paysage viticole s’impose sous l’effet d’une nouvelle approche culturelle du vin. Déjà, depuis la création des AOC, le vin avait commencé à changer de statut, quittant le domaine de l’alimentation pour intégrer celui de l’art de vivre. Les premiers numéros de la Revue du vin de France paraissent en 1927, ceux de Cuisine et vins de France en 1933. Le très célèbre Atlas mondial du vin de Hugh Johnson qui paraît en 1971 fait découvrir au monde entier la spécificité des terroirs viticoles. Déguster du vin devient une démarche culturelle. Du boire au voir il n’y a qu’un pas que les amateurs franchissent dans les années 1980 avec les visites de domaines et de chais ; l’exposition Châteaux Bordeaux est présentée au Centre Georges Pompidou en 1989, Les paysages de la vigne est sélectionnée pour célébrer le deuxième millénaire.

 

© Serge DETALLE

Depuis 1992, des sites viticoles ont été inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Cette organisation internationale s’est donnée, entre autres, pour objectif de réduire le taux d’appauvrissement de la diversité biologique précisant que les liens naturels qui existent entre la diversité biologique et la diversité culturelle représentent une source d’échange, de créativité et d’innovation favorisant le développement durable ». En effet, au XXIe siècle les critères d’appréciation du vin ont évolué.

Désormais, ils intègrent le respect de l’environnement. Si les créateurs de paysage que sont les vignerons en tiennent compte, le spectacle de la vigne devrait continuer d’attirer un nombreux public.

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