Dans quelle situation se trouve le marché chinois du Cognac après le confinement ? Mi-avril, Alexandre Ma, journaliste chinois, Cognac Educator et membre du comité de dégustation de La Revue du vin de France, nous faisait part de son point de vue.
« Je suis journaliste, formateur en vins et spiritueux, notamment auprès des professionnels chinois. Je vis à Bordeaux. Je suis donc assez proche de la ville de Cognac. J’ai ainsi la chance de pouvoir visite les maisons de Cognac assez régulièrement afin de partager ensuite mon expérience avec les amateurs chinois. En tant que Cognac Educator, c’est aussi un bon moyen d’approfondir mes connaissances, ce qui m’aide beaucoup pour mes formations en Chine.
Cette année est cependant un peu différente puisque je n’ai encore pu me rendre à Cognac à cause du coronavirus. Comme tout le monde, j’ai d’ailleurs été très choqué par l’annonce de la pandémie. Pendant le confinement, j’ai passé beaucoup de temps au téléphone, j’ai notamment appelé des amis travaillant dans le secteur des alcools en Chine… et ce qu’ils m’ont raconté à propos de l’évolution de la consommation est très intéressant., et cela pourrait nous amener à reconsidérer pas mal de choses, notamment en ce qui concerne la consommation de Cognac.
Je constate actuellement que la plupart des restaurants, bars et discothèques des grandes villes reprennent leurs activités. Mais mes amis m’indiquent qu’il faudra s’armer de patience pendant quelque temps avant un retour à la normale. Toutefois, au vu de la reprise, plutôt dynamique , le commerce se porte quand même bien mieux aujourd’hui que début mars.
Hausse des ventes en ligne
Les ventes en ligne de boissons alcoolisées apparaissent étonnamment prometteuses. D’après les rapports de Xinzhi, le total des ventes pour la troisième semaine de mars a augmenté de 55 % par rapport à la même période l’année précédente. Les spiritueux affichent des résultats particulièrement bons, avec une hausse de 75 % par rapport à la même période en 2019. J’avoue que je n’ai jamais vu ça, où que ce soit dans le monde.
Il y a quelques jours, je suis tombé sur un questionnaire intéressant – Combien avez-vous bu de vin chez vous pendant le confinement ? – publié par yunjiuwang.cn,, l’un des sites de vente d’alcool en ligne les plus connus. J’ai été surpris de lire qu’environ 36 % des gens avaient répondu tous les jours et 31 % deux à quatre fois par semaine. C’est incroyable… Ces résultats laissent penser que les ventes en ligne de Cognac devraient poursuivre leur progression dans les prochains mois.
Des circuits de distribution traditionnels qui s’adaptent
J’ai interrogé des amis qui travaillent dans l’un des plus grands distributeurs de Foshan (province de Guangdong), de jeunes barmen très talentueux ainsi qu’un Cognac Educator basé à Shanghai. Ils m’ont raconté que les circuits de distribution traditionnels comme les bars et les discothèques sont plutôt à la peine mais que de nouveaux services, dont j’aimerais parler, ont vu le jour, comme les « cocktails à emporter ». J’ai notamment pu voir sur les réseaux sociaux que le Hope & Sesame à Guangzhou (classé parmi les 50 meilleurs bars d’Asie) avait créé une « carte de cocktails à emporter » avec des ingrédients et contenants adaptés aux livraisons. Il s’agit essentiellement de shots. Tout ce que vous avez à faire chez vous, c’est alors préparer un joli verre et ajouter les ingrédients. Une idée de génie, n’est-ce pas ? L’un des fondateurs explique : « vous devez non seulement prendre en compte toutes les denrées périssables de votre chambre froide, mais aussi communiquer en permanence avec vos livreurs pour vous assurer que le cocktail soit toujours aussi délicieux à l’arrivée. Prenez notre Pot Cocktail par exemple : nos cannettes préservent sa fraîcheur et les couleurs, vert et blanc, reprennent exactement celles de l’entrée de notre bar. Avec en plus un gros logo sur le devant, pour que nos clients reconnaissent immédiatement nos produits. »
Je me suis également rendu compte pendant cette période que le concept de « cloud clubbing » (club virtuel) était devenu extrêmement populaire parmi les jeunes. Je n’ai d’abord pas prêté attention à cette innovation. C’est lorsque c’est devenu un véritable phénomène que j’ai réalisé que certaines des boîtes les plus branchées avaient lancé leur propre « cloud club » dès le début du mois de février (généralement avec des DJ réputés et diffusés en live streaming). Par exemple, le « cloud club » du TAXX Shanghai, ma discothèque favorite dans le sud-est de la Chine, a réussi à réunir plus de 70 000 personnes en une seule soirée, générant plus de 700 000 yuans de revenus (99 000 dollars) grâce au système de « récompenses » : les utilisateurs achetant des cadeaux virtuels qu’ils offrent à l’hôte pendant le live pour le remercier. Même si le « cloud clubbing » n’est pas la solution pour résoudre définitivement les problèmes de trésorerie, je crois que c’est un très bon moyen de fidéliser les clients. M. Wing Fan, gérant du Silentalco, à Dongguan, m’a confié en plaisantant : « Il y a cent ans, la prohibition a vu naître les bars underground. Cent ans plus tard, il se pourrait que le confinement donne naissance aux bars en ligne. »
Ces derniers temps, je sens que la tendance aux formations en live streaming est aussi très forte dans le pays. C’est un excellent moyen de promouvoir la culture et l’expertise du Cognac. Une grande maison a lancé plusieurs cours en ligne depuis le début du confinement, dont certains présentés par son ambassadeur ou représentant à Cognac. Je crois que cette méthode interactive est très appréciée de ses fournisseurs et clients. »