Guillaume Ferroni, la tête chercheuse du Carry Nation, est un des meilleurs connaisseurs de l’histoire du cocktail. On rentre dans son bar, un bar clandestin planqué dans le centre de Marseille, en franchissant la porte d’un placard, et on en sort en ayant la sensation d’avoir voyagé dans le temps et l’espace. C’est ce qui est arrivé à Cécile Cau, la journaliste qui l’a interviewé.
Quelle est la place du cognac au Carry Nation ?
– Le cognac a un côté tendance, au même titre que le mezcal par exemple. C’est un spiritueux que je peux proposer en dégustation. J’ai même cinq à six références de cognacs millésimés pour une petite clientèle pointue pour laquelle nous sommes prescripteurs.
Quelle image en as-tu ?
– Pour moi, les cognacs font partie des produits nobles du bar. Ils sont dans l’histoire. Les tout premiers cocktails américains étaient à base de gin, de vermouth et de cognac. Or, l’histoire, tous les barmen ont ça en eux, on en raconte plein aux clients. Moi, j’aime me raccrocher à la grande histoire, c’est ma signature.
Comment sélectionnes-tu tes références ?
– Je me rends à Cognac une à deux fois dans l’année. En France, il y a peu de régions à spiritueux. Les Charentes sont un peu notre Écosse, à nous les Français. Je fonctionne par affinités, par les rencontres. Quand on connaît une maison de l’intérieur, on peut mieux en parler ensuite : cela génère de la fierté aussi.
Quels cocktails travailles-tu avec du cognac ?
– Le cognac est un alcool sec assez fantastique en cocktail. À mon sens, il faut rester sobre en utilisant peu d’ingrédients afin de préserver sa douceur. Je le travaille en alcool de base et même en liqueur. Il vient alors jouer le rôle d’une épice, d’un arôme. J’ai créé un short drink inspiré du daiquiri : « Good Girls Go To Heaven ». Cognac XO en tout petit volume, gingembre pilé, une touche de vanille, de l’orgeat, du citron vert très zesté, écrasé, pilé et du Gambetta, un vieux sirop marseillais, le tout shaké sans glace : longtemps, ça a été mon cocktail favori. Mais j’aime aussi travailler les classiques. Il faut savoir que les premières recettes de Sazerac étaient au cognac (le nom l’indique d’ailleurs) qui se marie très bien avec la fraîcheur de l’absinthe. Le résultat a plus de profondeur, d’arômes et d’harmonie qu’avec un autre alcool. J’ai aussi créé une variante du Mai Tai, le Scorpion, un des meilleur tikis que je connaisse… Je revisite également le Soft Toddy Californian Style, qui est une très vieille recette, un genre de Old Fashioned sans angustura, très zesté, à la tequila et au cognac. Ça, c’est fantastique ! La fraîcheur minérale de la tequila avec la rondeur du cognac. Les deux s’équilibrent, il y a de la fraîcheur sans l’acidité. C’est un de mes cocktails favoris, ever !