En France, Michel Bettane, ex-Normalien, agrégé de lettres classiques, critique reconnu, est l’un des grands écrivains du vin, signant de nombreux ouvrages souvent avec son acolyte Thierry Desseauve. Mais cet érudit est aussi un grand dégustateur de Cognac, dont il dit qu’il est « le plus noble des spiritueux ». La journaliste Cécile Cau l’a rencontré.
Pourquoi dites-vous que le Cognac est « le plus noble des spiritueux » ?
– À mes yeux, c’est celui qui respecte le plus son ingrédient premier, celui qui a le plus approfondi la notion de terroir, celui qui a poussé le plus loin les arts de la distillerie et de l’assemblage. Je ne vois pas quel spiritueux pourrait rivaliser. Avec l’âge ou le temps, le Cognac est devenu pour moi un plaisir un peu égoïste, mais un vrai plaisir de dégustateur.
Vous avez beaucoup écrit sur le vin. Quel rapprochement faites-vous entre les univers du vin et du Cognac ?
– Le Cognac est une eau-de-vie de vin : sa matière première, c’est le raisin. Mais il y a plein d’autres liens évidents : la production en appellation d’origine contrôlée, la délimitation des terroirs, des cépages obligatoires, l’art de l’assemblage, le vieillissement. Il faudrait d’ailleurs réapprendre à le déguster à la manière d’un vin d’origine. On devrait aussi avoir une liste de cognacs dans les cartes des vins. Les amateurs de vin sont tous de potentiels amateurs de Cognac car, dans l’un comme dans l’autre, on va rechercher et apprécier la concentration des saveurs, l’équilibre, la personnalité.
Est-ce qu’il y a beaucoup d’amateurs de vin qui sont aussi des amateurs de Cognac ?
– En Allemagne, en Autriche, en Pologne ou en Chine, beaucoup sont de sérieux amateurs de Cognac. Ils en consomment plus souvent, en particulier au restaurant. Un vrai Russe ne finit pas un repas sans Cognac. Les Italiens, formés par la grappa, ou les Anglais, malgré leur culture whisky, n’hésitent pas à en déguster. Mais c’est moins vrai en France même si la consommation en cocktails a entraîné un rajeunissement des consommateurs. Je crois qu’il faut réapprendre le goût et cela doit passer par les prescripteurs : les salons des vins par exemple mais aussi les sommeliers qui ont un rôle important de passeur à jouer dans les restaurants en proposant de déguster un cognac en fin de repas.